Un (début de) vrai débat sur l’euro, enfin, mais bien tard
Par Bruno Lemaire, Club Idées Nation
A
quelques jours du vote, cela vient bien tard, mais autant donner un petit coup
de chapeau à Xavier Ragot, de l’OFCE, même si nous sommes très loin d’être d’accord
avec lui. Cet expert accepte en effet de dire que la question de l’euro peut mériter débat.
Monsieur
Ragot accepte aussi de reconnaître que sur la dette publique, le remplacement
de l’euro par une monnaie purement nationale, le franc nouveau, ne causerait
aucun dommage.
Rappelons aussi que le
patron de l’OFCE s'est parfois montré critique vis-à-vis des politiques
européennes et du fonctionnement de la monnaie unique.
Cela étant, il pense
que les avantages obtenus en sortant de l’euro seraient beaucoup plus faibles
que d’y rester, puisque, d’après lui : « la France ferait un très faible gain de compétitivité, mais la crise
bancaire serait telle qu'elle l'entraînerait le plus probablement dans une
récession de très grande ampleur. »
En utilisant un modèle
de l’OFCE (j’ai enseigné pendant 35 ans à HEC la modélisation, alors je sais qu’on
peut parfois faire dire à peu près tout ce que l’on veut à un modèle, surtout si l'on n'en définit pas les conditions d'application et les hypothèses) avec une
dépréciation de 20% du franc nouveau par rapport au mark nouveau, notre expert
trouve un statu quo. Ce qui est assez loin de ce qu’ont trouvé Sapir et Murer,
qui eux voyaient un fort gain de notre balance commerciale. Manifestement ces experts n’ont pas utilisé les mêmes
modèles.
Deuxième prise de
position : nos emprunts sur les marchés financiers seraient « taxés »
d’un taux d’intérêt plus important qu’actuellement. A court terme c’est sans
doute vrai, je l’ai moi-même écrit – et je chiffre l’impact sur notre dette à 3 milliards annuels, pas les 30 milliards annoncés par
certains, mais à moyen terme (3 ou 5 ans) ce serait le contraire, car si notre
économie repart, les marchés en tiendront compte. De plus notre Banque Centrale, débarrassée des ukases
de l’Union Européenne, pourrait nous
prêter à moindres frais, si nécessaires, des ressources pouvant être
associées aux grands projets de réindustrialisation que Marine Le Pen veut
entreprendre.
En ce qui concerne le
secteur bancaire, l’expert de l’OCDE écrit : « Les établissements français ont une exposition à la dette italienne et
espagnole. Si la lire et la peseta dévaluent, elles perdront beaucoup d'argent. »
C’est peut-être vrai, mais c’est beaucoup plus vrai encore pour les banques
allemandes, qui auront donc tout intérêt
à ce qu’un changement monétaire se fasse de la meilleure façon possible. Ce
sera donc un levier de négociation très important pour Marine Le Pen dans sa
reconstruction d’une autre Europe, d’une Europe des Libertés et des Coopérations.
Xavier Ragot écrit
aussi qu’il faudra restructurer
massivement les banques françaises. Ce n’est pas évident, tout dépend du
traitement qui sera fait à l’article 123 du traité de Lisbonne et de la
séparation souhaitée entre banques de dépôts et banques d’affaires, mesure bloquée par E. Macron lorsqu’il
était conseiller puis ministre de François Hollande.
X. Ragot reconnaît
cependant que cela pourrait marcher si « des politiques particulièrement intelligentes » étaient mises
en place. Cela tombe bien, c’est ce que Marine Le Pen et ses conseillers
prévoient de faire.
C’est sans doute pour
cela aussi que nous préparons
soigneusement la sortie de l’euro avant le référendum annoncé.
Je ne parlerai pas ici
des mesures de protectionnisme et de patriotisme évoquées par X. Ragot, que j’ai
exposées par ailleurs, puisqu’elles ne sont pas liées à l’euro mais à la
possibilité de faire en sorte que nos lois soient prioritaires vis-à-vis
de celles de l’U.E. actuelle, ce qui fera l’objet d’un premier référendum
institutionnel.
En ce qui concerne la
sortie de l’euro, rappelons en le mécanisme. Si nous avons notre propre
monnaie, notre monnaie nationale, il sera évidemment nécessaire, pour nos
échanges, de se mettre d’accord avec les pays partenaires sur le taux de change
entre notre monnaie et les monnaies étrangères concernées.
Contrairement à ce que
dit X. Ragot, qui s’égare sur cette
question plus encore que sur les précédentes, deux pays qui disposent chacun d’une monnaie nationale,
comme l’Inde et le Japon par exemple, n’ont nul besoin d’une deuxième ou troisième monnaie pour commercer.
Le client indien utilisera la roupie, le client japonais utilisera le yen, et
les banques centrales des deux pays décideront, de gré à gré ou sur le marché
des changes, du taux de conversion entre roupie et yen. Cela peut, ou non, prendre
la forme d’une pseudo monnaie, ou d’une monnaie réelle, comme le dollar. L’appeler
monnaie commune n’apporte pas grand-chose à la question.
Aussi, prétendre que
Marine Le Pen veut deux monnaies, une monnaie nationale et une monnaie commune,
circulant dans le même pays, la France, est d’une malhonnêteté sans nom. C’est
malheureux de la part d’un expert qui se dit indépendant et qui nous avait
habitué à mieux.
Cela étant, il ne sera
pas nécessairement simple de quitter l’euro, et les négociations s’avèrent
délicates. Mais mieux vaut en sortir en bon ordre avant que l’Euro, dont
beaucoup d’experts indépendants annoncent son agonie, n’implose ou n’explose.
Les dégâts en seraient considérables.
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