L'AFP contre les souverainistes? Des arguments fallacieux recyclés encore une fois.
L’AFP agite
à nouveau la peur contre ceux qui veulent une monnaie nationale en France
Par Bruno
Lemaire, économiste, ancien doyen associé d’HEC
Nouveaux
arguments, ou argumentation fallacieuse déjà démontée, c’est ce que nous allons
voir ci-dessous, mes remarques étant précédées par « B.L. » et
présentées en italique.
Remarque
préliminaire : l’AFP, ici, fait semblant de débattre avec un économiste
connu pour sa position anti euro, Jacques Sapir, mais en dénigrant sa position.
-
L'incertitude monétaire
Dans son programme, Marine Le Pen prévoit un nouveau
franc qui, à sa création, aurait la même valeur que l'euro. Mais le déficit
commercial chronique de l'Hexagone entraînerait rapidement une hausse de la
demande de monnaies étrangères, et donc une dépréciation de ce "franc
nouveau" sur le marché des devises.
B.L. Cette dépréciation, importante vis-à-vis de l’euro « allemand »,
devrait se stabiliser aux environs de 5 à 6% vis-à-vis de l’ensemble des
monnaies internationales, par exemple le dollar. C’est cette double
dépréciation, importante vis-à-vis de l’Allemagne, faible relativement au « reste
du monde » qui est recherchée, puisqu’elle va nous permettre d’effacer
totalement notre déficit commercial. Rappelons que des études du FMI évaluent à
un gain de 1.5% de PIB une dépréciation de 10%. Pour 6% on devrait donc tourner
autour de 0.8% de gain de production, ce qui n’est pas négligeable
Pour Jacques Sapir, directeur d'études à l'EHESS et
partisan d'une sortie de l'euro, cet ajustement du taux de change aux
conditions économiques de la France serait "l'un des principaux
intérêts" de la nouvelle monnaie. Il permettrait de regagner de la
compétitivité et de "relancer les exportations", écrit l'économiste.
B.L. Tout à fait d’accord avec cet économiste, pourtant classé à gauche,
mais qui fait passer, comme tout scientifique devrait le faire, faits et
connaissances théoriques avant toute idéologie.
Mais cette flexibilité, synonyme de risque pour les
entreprises internationalisées, pourrait poser problème en cas d'évolution
erratique du taux de change, jugée probable par de nombreux économistes: la
dépréciation, selon certaines simulations, pourrait ainsi atteindre 30% en cas
de réaction brutale des marchés.
B.L. Qu’il y ait une certaine volatilité, sans doute, volatilité qui
pourrait durer quelques semaines, voire quelques mois. Mais des mesures
existent pour lutter contre la monnaie spéculative, ou « hot money »
- Le risque
financier
Pour nombre de spécialistes, c'est le danger le plus
évident. "La perspective d'un retour au franc entraînerait rapidement une
sortie de capitaux des investisseurs institutionnels, français et étrangers,
ainsi que ceux des particuliers", estime ainsi l'Institut Montaigne, think
tank d'obédience libérale.
B.L. Il ne s’agit pas d’« un retour au franc » d’avant l’euro,
mais de la renaissance d’une monnaie nationale adaptée à la situation de l’économie
française. En ce qui concerne la « sortie de capitaux », comme je l’ai
indiqué précédemment, diverses mesures de court terme peuvent être prises à ce
sujet, l’histoire économique de la France, en particulier pendant les Trente
Glorieuses, ne manque pas d’exemples à ce sujet. Il s’agira, plus
particulièrement, de ne pas confondre les mouvements spéculatifs et les
investissements de long terme, qui seront encouragés de par le seul fait que
notre économie se re-développe enfin, après une décennie de presque stagnation
et de désindustrialisation inquiétante.
En cause: le risque de dévaluation, qui pourrait
provoquer une panique dans les milieux financiers. Pour éviter que leur
"épargne perde une grande partie de (leur) valeur", les investisseurs
pourraient chercher à la préserver "dans une monnaie solide",
explique Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM.
B.L. Argument fallacieux déjà abordé et démonté plus haut. Une monnaie ‘solide’
est une monnaie qui correspond à une économie solide, ce qui n’est pas le cas
de l’économie française actuelle. L’euro français, ou franc nouveau, sera
solide si l’économie française le redevient. Une dépréciation de 5% ne
bouleversera pas le monde. Devons nous rappeler ici la dévaluation organisée par Pinay, au début
du premier mandat de de Gaulle ? Tout dépendra des mesures d’accompagnement.
Si le chômage diminue en France, grâce au franc mais aussi à la priorité
française (pour l’emploi et les marchés publics) et à nos efforts pour « produire
et consommer français » la confiance reviendra, à la fois en interne et en
externe.
Dans un tel cas de figure, les banques se
retrouveraient rapidement à court de liquidités, et à la peine pour se
refinancer. "Il y aurait sans doute des faillites", s'inquiète
Mathieu Plane, chercheur à l'OFCE, pour qui la sortie de l'euro pourrait
"faire éclater l'ensemble du système bancaire".
B.L. Mathieu Plane, à qui j’ai déjà répondu précédemment,
semble s’intéresser plus aux banques qu’au sort de millions de ses
compatriotes, chômeurs ou travailleurs pauvres. Cela étant, la reprise en main
de la Banque de France, soit dans sa situation d’avant la loi de 1973 soit dans
un autre contexte, nous permettra de suppléer à ce risque éventuel de
liquidités. Si la BCE peut injecter 900 milliards par an dans le système
bancaire européen, qui peut empêcher la Banque de France d’injecter 110 ou 120
milliards dans le système bancaire français, et, mieux encore, dans l’économie
réelle ? Le système bancaire français, aussi troublé soit-il, devra s’adapter.
- Le
problème de la dette
Avec la dépréciation de la nouvelle monnaie, un autre
problème devrait être réglé: celui de la dette publique, libellée en euros.
Serait-il possible, pour éviter que les montants à rembourser ne s'envolent, de
la payer en francs? Oui, assure Jacques Sapir, qui évoque "une longue
jurisprudence" favorable, la "lex monetae".
B.L. La loi
est dure, mais c’est la loi. C’est vrai aussi pour la « lex monetae »
et l’argumentation du Professeur Sapir est sans failles. Les « étrangers »
qui ont prêté aux pays européens n’ont pas invoqué une autre loi lorsque l’euro
est passé de 1.50 dollar à 1.06 dollar, ils ont pourtant perdu potentiellement
beaucoup d’argent. Lorsque l’euro était remonté, précédemment de 0.88 dollar à
1.50 dollar ils n’ont pas non plus protesté, puisque cette fois c’était en leur
faveur. Les « experts » qui disent le contraire sont donc, au mieux,
des incompétents, au pire des falsificateurs « à leur insu de leur plein
gré ».
Peu de chances toutefois que les créanciers acceptent
cet état de fait, la dette publique française étant détenue à 60% par des
non-résidents. Pour ces créanciers internationaux, "une dépréciation de
l'ordre de 25% signifierait qu'ils toucheraient 25% en moins, ce qui est énorme",
souligne Mathieu Plane.
B.L. C’est peut être énorme pour notre expert Mathieu
Plane, mais c’est ainsi. Ces « créanciers internationaux » pourront
toujours espérer que le franc nouveau, ou euro français, remonte, ce qui est
fort possible d’ailleurs, si l’économie française est relancée grâce aux
mesures annoncées par Marine Le Pen.
Un contentieux s'ouvrirait alors, avec un risque de
voir le remboursement en francs jugé contraire au droit de propriété, et donc
anticonstitutionnel. Les agences de notation ont d'ailleurs annoncé qu'elles
considéreraient une telle "redénomination" unilatérale de la dette
comme un défaut de paiement.
B.L. Il ne peut y avoir aucun contentieux, la loi est claire à ce sujet,
les contrats en droit français – qui représentent 98% des contrats de dettes
publiques - resteront en droit français, on comprend que cela gêne les
anglo-saxons. Les agences de notation ne pourront d’ailleurs pas considérer que
c’est un défaut de paiement, puisque la loi s’appliquera, ces agences agiraient
donc illégalement. Ce défaut ne se produirait qu’avec le plan Mélenchon, ce
dernier ayant déclaré officiellement qu’il ne rembourserait pas les dettes.
Indépendamment de cela, le retour à une monnaie
nationale pourrait entraîner une hausse sensible des taux d'intérêt payés par
la France, dont le profil deviendrait plus risqué. Selon le gouverneur de la
Banque de France, François Villeroy de Galhau, rembourser la dette coûterait
ainsi 30 milliards d'euros supplémentaires par an.
B.L. Là encore j’ai déjà démonté par ailleurs cette position du gouverneur
de la Banque de France. Une hausse de 100 points du taux d’intérêt, c’est-à-dire
de 1%, ou même de 150 points, ne coûterait à la France qu’entre 2 et 3
milliards annuels. Quelle honte de voir un très haut fonctionnaire mentir ainsi
par pure idéologie.
- Le risque
inflationniste
A moyen terme, une dépréciation du franc pourrait
certes doper la compétitivité des produits français, qui deviendraient
proportionnellement moins chers pour les acheteurs étrangers. Mais elle aurait
également des effets négatifs, puisqu'elle favoriserait l'inflation via les
importations.
B.L. Oui, il y aura des effets à la fois négatifs et positifs. A
court-moyen terme (18-24 mois) les effets seront nécessairement positifs. A
plus long terme, il faudra avoir réussi à relancer notre économie, notre
agriculture, notre puissance industrielle. C’est à cela que serviront à la fois
le protectionnisme intelligent, qui se concrétisera par des écluses
commerciales, du type de celles utilisées par la Suisse, et la
priorité nationale, pour les marchés publics et les emplois. L’inflation
importée peut être évalué à 2%, au grand maximum (6% de dépréciation sur des
importations inférieures à 30%)
"Nous avons besoin de pétrole, d'uranium, de
métaux rares, et nous ne pouvons pas les remplacer par une production
nationale", rappelle l'Institut Montaigne. Les entreprises françaises, en
cas de sortie de l'euro, devraient donc encaisser un "choc", en
payant plus cher les matières premières et composants importés.
B.L. Une évidence, mais à laquelle j’ai déjà répondu.
Il y aura des effets négatifs, mais les effets positifs l’emporteront. Nos
importations représentent un peu moins de 30% du PIB, les exportations un peu
plus de 25%. Le fait de rééquilibrer nos échanges ne peut être que positif,
moins d’importations, même si le prix unitaire est plus élevé, plus d’exportations,
même si le prix unitaire est plus bas. C’est aussi l’esprit de la charte
onusienne, la charte de la Havane, que nous respectons ainsi : un
développement équilibrés, sans perdants.
Même phénomène pour les particuliers, qui verraient
leur pouvoir d'achat sérieusement entamé: selon Terra Nova, think tank classé à
gauche, "la facture pourrait se situer entre 1.500 et 1.800 euros par
ménage et par an", avec un impact plus fort sur les ménages modestes.
B.L. Le pouvoir d’achat des exclus ou des plus faibles
(6 millions de chômeurs, 9 millions de travailleurs pauvres) est beaucoup plus
en péril dans la situation actuelle que si grâce aux mesures annoncées, monnaie
nationale adaptée, priorité nationale, protectionnisme intelligent – plus une
revalorisation des petites rémunérations (retraités et petits salaires) l’emploi
redémarre enfin de façon notable.
- Le risque
de récession
Quel serait in fine l'impact d'une sortie de l'euro
sur la croissance? Le FN évoque un cercle vertueux, avec regain d'activité et
créations d'emplois. De nombreux économistes penchent au contraire pour un
effet récessif, quoique difficile à quantifier.
D'après l'Institut Montaigne, la récession pourrait
atteindre 2,3% la première année, et 9% à terme, avec pas moins de 500.000
emplois détruits. "L'inflexion conjoncturelle" pourrait être
"significative", abonde de son côté Philippe Waechter.
B.L. Un effet récessif difficile à quantifier. ? Oui, ces experts n’osent
pas s’avancer, car ils savent bien qu’il n’y aura pas d’effet récessif, bien au
contraire. Un million d’emplois créé en 24 mois, plus d’autres encore lorsque
le plan de Marine Le Pen sera complètement opérationnel.
Des projections rejetées par le FN. "Il faut
sortir de cette stratégie de la peur. Avec le Brexit, on nous prédisait la
catastrophe, ce n'est pas arrivé", a martelé Marine Le Pen, en rappelant
que Londres avait relevé sa prévision de croissance de 1,4% à 2% pour 2017.
Reste que le Brexit n'est pas encore effectif. Et la
situation du Royaume-Uni, qui n'utilise pas l'euro, n'est pas comparable à
celle de la France. "Le problème, si la France quitte la monnaie unique,
c'est que l'ensemble de la zone euro pourrait disparaître", prévient
Mathieu Plane... qui prédit alors "une crise sans précédent".
B.L. Le Brexit n’est certes pas effectif, même si les « experts »
avaient tous prédit que la catastrophe arriverait juste après le referendum,
pas neuf mois après.
Mais le seul point ou Mathieu Plane a sans doute raison est le suivant :
si la France retrouve sa monnaie nationale, il est fort probable que la zone
euro éclate. On comprend pourquoi Bruxelles et Francfort, et tous les experts
qui vivent à nos dépens, sont inquiets. L’Allemagne est la grande bénéficiaire
de cette monnaie unique, trop faible pour l’économie « germanique »,
trop forte pour la nôtre et celles de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal. Si
la France quitte l’eurozone, beaucoup d’autres pays voudront eux aussi
retrouver leur liberté.
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