De nombreux experts jouent à faire peur aux français : quelle honte
Bruno Lemaire répond à Mathieu Plane
- L'incertitude monétaire
Dans son
programme, Marine Le Pen prévoit un nouveau franc qui, à sa création, aurait la
même valeur que l'euro. Mais le taux de change varierait ensuite sur le marché
des devises. Or le déficit commercial chronique de l'Hexagone entraînerait
mécaniquement une hausse de la demande de monnaies étrangères, et donc une
dépréciation.
B.L. Ce déficit commercial prétendument chronique n’est
apparu qu’à partir de 2003, l’année suivant l’instauration de l’euro dans les
transactions courantes. Nous avons montré, par exemple, que le déficit commercial que
nous avons depuis une dizaine d’années avec l’Allemagne (de l’ordre de 20
milliards en 2016) se transformerait en excédent de l’ordre de 25 à 30
milliards si la monnaie française était dépréciée de 21% par rapport à la
monnaie allemande. Le FMI nous a d’ailleurs suivi sur ce point, ainsi que l’agence
Nomura.
Sur la variation des taux de change, au début un franc
« Marine » valant un euro « ancien », il y aura ajustement,
mais nul ne peut prédire à moyen terme ce qui se passera. Ce qui compte pour
les investisseurs, c’est la solidité de notre économie, et tout va être fait
pour que l’économie française s’améliore. Il est donc possible qu’à terme le
franc Marine se ré-apprécie.
Pour Jacques
Sapir, directeur d'études à l'EHESS et partisan d'une sortie de l'euro, cet
ajustement du taux de change aux conditions économiques de la France serait
"l'un des principaux intérêts" de la nouvelle monnaie. Il permettrait
de "relancer les exportations", écrit l'économiste.
B.L. Sapir rappelle avec éloquence et compétence ce
qui devrait être évident pour tout économiste ayant étudié un tant soit peu l’histoire
économique. Une dépréciation monétaire a toujours permis de relancer les
exportations et de diminuer les importations. Les gens savant parlent d’élasticité
prix, mais c’est du simple bon sens. Quand les prix unitaires baissent, on
achète en général davantage, quand les prix augmentent on achète en général
moins.
Mais cette
flexibilité, synonyme de risque pour les entreprises internationalisées,
pourrait poser problème en cas d'évolution erratique du taux de change. Selon
certains économistes, la dépréciation pourrait atteindre 30%, voire plus, en
cas de réaction brutale des marchés.
B.L ; Selon « certains économistes » ?
Jolie litote. Parle t-on ici des « experts » qui se sont trompés
depuis 30 ans, ou qui ont conseillé nos « gouvernants » depuis 30
ans. On a vu le résultat.
- Le risque financier
Pour
l'Institut Montaigne, centre de réflexion d'obédience libérale, "la
perspective d'un retour au franc entraînerait rapidement une sortie de capitaux
des investisseurs institutionnels, français et étrangers, ainsi que ceux des
particuliers", avec de graves répercussions pour le système bancaire.
B.L. L’Institut Montaigne n’est pas seulement d’obédience
libérale, ou ultra-libérale – c’est son droit, après tout- il est surtout
dirigé par des soutiens de MM. Fillon et Macron, et donc des adversaires
résolus de Marine Le Pen. Leur objectivité est donc plus que discutable.
En cause: le
risque de dévaluation inhérent à la nouvelle monnaie. Pour éviter que leur
"épargne perde une grande partie de (leur) valeur", les investisseurs
pourraient chercher à la préserver "dans une monnaie solide",
détaille à l'AFP Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM.
B.L. Les « experts » de Natixis
devraient plutôt s’interroger sur leur
propre compétence. Ils semblent avoir bien vite oublié leur propre
déconfiture des années 2008-2009, ce qui a coûté à l’époque à l’Etat près de 8
milliards d’euros. L’action Natixis avait alors perdu près de 95 % de sa
valeur, en passant sous le seuil de 1 € en mars 2009, stabilisée autour de
3,5 € en 2010.
Les banques
se retrouveraient rapidement à court de liquidités, et à la peine pour se
refinancer auprès de leurs homologues étrangères. "Il y aurait sans doute
des faillites", s'inquiète Mathieu Plane, chercheur à l'OFCE, pour qui la
sortie de l'euro pourrait "faire éclater l'ensemble du système
bancaire".
B.L. On ne voit pas pourquoi il y aurait davantage de
faillites avec un franc Marine adapté à l’économie française qu’avec un
euro qui lui est manifestement mal adapté.
Par ailleurs il est clair, effectivement que si la France
sort de l’eurozone, cette même zone monétaire risque d’avoir quelques
difficultés à perdurer. "Et alors", suivant le mot tristement célèbre de M. Fillon.
Mais ce « risque » pour l’U.E.M. est aussi une chance pour les
négociations que la France va pouvoir engager avec l’U.E., vu le poids
économique de la France, et la volonté politique clairement affichée par Marine
Le Pen.
- Le problème de la dette
Avec la
dépréciation de la nouvelle monnaie, un autre problème devrait être réglé:
celui de la dette publique, libellée en euros. Serait-il possible, pour éviter
que les montants à rembourser ne s'envolent, de la payer en francs? Oui, assure
Jacques Sapir, qui évoque "une longue jurisprudence" favorable, la
"lex monetae".
B.L. Sapir, là encore, a raison, même si la plupart
des économistes sérieux devraient être de son avis, puisque c’est une loi
internationale, la lex monetae, qui le dit, et les faits le
prouvent.
Lorsque l’euro a été instauré en 2002, les prêts en
francs ont été convertis, avec la parité choisie (un euro pour 6.56 francs) en
euros AUTOMATIQUEMENT. A l’époque, l’euro valait 1,17 dollar. Peu de temps
après, l’euro ne valait plus que 0.88 dollar. Il n’y a pas eu d’émeutes chez
les créanciers. Puis l’euro est monté à 1.55 dollar. Pas d’émeute, cette fois,
chez les débiteurs. L’euro oscille en ce moment sous les 1.10 dollar. Avons-nous
vu des millions de créanciers, cigares ou non au bec, annoncer qu’ils étaient
ruinés ? Évidemment non.
Peu de
chances toutefois que les créanciers acceptent cet état de fait. "En
France, la dette publique est détenue à 60% par des non résidents",
souligne Philippe Waechter. Pour ces créanciers internationaux, "une
dépréciation de l'ordre de 25% signifierait qu'ils toucheraient 25% en moins,
ce qui est énorme", rappelle Mathieu Plane, à l'AFP.
B.L. Oui, ces créanciers peuvent ne pas être très
contents, mais pas plus que précédemment quand l’euro contre dollar a baissé. Dura lex, sed lex. Les spéculateurs ne
peuvent pas gagner à chaque coup. Le fait que les dettes soient détenues par
des non-résidents n’a aucun impact sur la loi. Si le franc est déprécié de 6 à
10% par rapport au dollar, ces « non résidents » toucheront
effectivement 6 à 10% de moins. Là encore, et alors ? Ils n’y peuvent pas
plus que lorsque l’euro est passé de 1.55 à 1.06 dollar, ou de 1.17 à 0.88.
Un
contentieux s'ouvrirait alors, avec un risque de voir le remboursement en
francs jugé contraire au droit de propriété et anticonstitutionnel. Ces
dernières semaines, les agences de notation ont d'ailleurs annoncé qu'elles
considéreraient une telle "redénomination" unilatérale de la dette
comme un défaut de paiement.
B.L. Argument totalement faux, comme nous venons de le
montrer précédemment. Ces éventuels
contentieux, qui ne se sont jamais produits depuis 15 ans, en dépit des fluctuations
de l’euro vis-à-vis du dollar, n’ont aucune raison de se produire, et s’ils l’étaient,
ils seraient perdus.. Ils ne sont annoncés que pour faire peur. Honte à ces
idéologues « experts ».
Problème
supplémentaire: le retour à une monnaie nationale entraînerait une hausse
probable des taux d'intérêt, le profil de la France devenant plus risqué. Selon
le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, rembourser
la dette coûterait ainsi 30 milliards d'euros supplémentaires par an.
B.L. On peut admettre que, initialement, le taux d’intérêt
serait plus élevé de 100 ou 150 points, soit de 1 à 1.5%, en attendant que les
mesures de relance de l’économie française (souveraineté monétaire, protectionnisme,
priorité nationale) aient commencé à faire leurs effets. Sur les 150 milliards
que nous devrons rembourser la première année, cela fera une augmentation
maximale de 2 à 3 milliards. Ce n’est
pas négligeable, mais cela n’a rien à voir avec les chiffres annoncés par Villeroy de Galhau, soit 30 milliards.
- Le risque inflationniste
A moyen
terme, une dépréciation du franc pourrait certes doper la compétitivité des
produits français, proportionnellement moins chers pour les acheteurs
étrangers. Mais elle aurait également des effets négatifs, puisqu'elle
favoriserait l'inflation via les importations.
"Nous
avons besoin de pétrole, d'uranium, de métaux rares, et nous ne pouvons pas les
remplacer par une production nationale", rappelle l'Institut Montaigne.
Les entreprises françaises devraient donc encaisser un "choc", en
payant plus cher les matières premières et composants importés.
B.L. Là encore notre expert semble redécouvrir l’eau
chaude.
Oui une dépréciation du franc (vis-à-vis essentiellement de l’Allemagne,
beaucoup moins vis-à-vis du dollar, monnaie de référence, qu’on le veuille ou
non) augmentera le prix unitaire des marchandises importées, MAIS diminuera le
prix unitaire des biens exportés. Cette nouvelle compétitivité nous permettra,
c’est son but, de diminuer notre déficit commercial, actuellement d’environ 50
milliards d’euros, ce qui, ramené au PIB, correspond à un peu plus de 2%. Si le
pétrole augmente de 9% - ce qui semble un maximum - vu que le prix du brut représente le 1/3 du
prix à la pompe, on pourrait envisager que le prix à la pompe augmente de 3%.
Pour l’ensemble des produits importés, en dehors peut être du prix des voitures
allemandes, là encore on peut tabler sur une inflation « importée »
de l’ordre de 2 à 3% (le prix des matières premières ou intermédiaires ne
représentant que le 1/3 du prix de vente total) Les exportations représentant
26 à 27% du PIB, l’inflation due à la
dépréciation du franc vis-à-vis du dollar (même si cette dépréciation n’est
pas certaine) serait donc inférieure à
1%
Même
phénomène pour les particuliers, qui verraient leur pouvoir d'achat
sérieusement entamé: selon Terra Nova, think tank classé à gauche, "la
facture pourrait se situer entre 1.500 et 1.800 euros par ménage et par
an", avec un impact plus fort sur les ménages modestes.
B.L. Affirmation grotesque et dénuée de tout
fondement, comme nous l’avons montré précédemment.
- Le risque de récession
Quel serait
in fine l'impact d'une sortie de l'euro sur la croissance? Le FN évoque un
cercle vertueux, avec regain d'activité et créations d'emplois. De nombreux
économistes penchent au contraire pour un effet récessif, quoique difficile à
quantifier.
B.L. « De nombreux économistes ». Là encore,
argument d’autorité, qui ne repose sur rien. et comme avoué à demi-mot d’ailleurs,
aucune prévision quantitative sérieuse! Le programme de Marine repose en
partie sur une relance de la production française, de la consommation intérieure,
des exportations, et donc sur un développement de l’emploi « national ».
De fait, nous pensons que le fait de privilégier le « produire et consommer français » aura un impact bénéfique, et non récessif, sur l’emploi.
D'après
l'Institut Montaigne, la récession pourrait atteindre 2,3% la première année,
et 9% à terme, avec pas moins de 500.000 emplois détruits. "L'inflexion
conjoncturelle" pourrait être, "significative", abonde Philippe
Waechter.
B.L. Des projections faites par des experts partiaux,
travaillant pour les concurrents de Marine Le Pen, n’ont aucune validité scientifique, et sont même contraires à la déontologie
qui devrait inspirer tout « expert ».
Des
projections rejetées par le FN. "Il faut sortir de cette stratégie de la
peur. Avec le Brexit, on nous prédisait la catastrophe, ce n'est pas
arrivé", a martelé Marine Le Pen, en rappelant que Londres avait relevé sa
prévision de croissance pour 2017 de 1,4 à 2%.
Le retrait
de la Grande Bretagne de l'UE n'est cependant pas encore effectif. Et la
situation britannique, qui n'utilise pas l'euro, n'est pas comparable à celle
de la France. "Le problème, si la France quitte la monnaie unique, c'est
que l'ensemble de la zone euro pourrait disparaître", prévient Mathieu
Plane... qui prédit alors "une crise sans précédent".
B.L. Sur ce dernier point, tout peut arriver, mais
pourquoi imaginer que ce soit le pire. Pour les spéculateurs, peut être, pour
le peuple de France, sûrement pas. C’est la situation actuelle qui est
dramatique
B.L.,
économiste, membre du Comité Central du Front National, ancien doyen associé d’HEC,
ancien directeur de la Recherche et du Développement à IBM conseil.
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