Quelques évidences sur l'import/export
Le rôle de la monnaie dans les questions d’Import/export
Par Bruno Lemaire,
ancien doyen associé d’HEC
J’ai toujours un peu de mal à accepter, en tant qu’ex-enseignant, que
l’idéologie permette à ce point de travestir la réalité, du moins celle des
chiffres. D’où ma stupeur face à une exportatrice française qui, dans l’émission
politique de France 2, affirmait avec aplomb qu’une dépréciation de l’euro
français de 21% vis-à-vis de l’euro allemand (pour ne pas dire franc 2017 vs
mark 2017) conduirait à la faillite de son entreprise.
Un petit rappel avant de montrer cette grossière erreur (à son insu de
son plein gré, mais on peut supposer que ce chef d’entreprise a été choisi pour
cela) : Les importations représentent
environ 25% du PIB, les exportations 22,5% du PIB, d’où un taux de
couverture export/import voisin de 90%
Nous allons donc prendre 2 cas, l’un moyen, l’autre extrême en prenant
l’exemple de la Tannerie Gal, dont la gérante, comédienne par ailleurs, est
intervenue sur France 2
Cas moyen : Madame Gal importe 25% de ses matériaux de base, des
peaux, d’Allemagne, en cas de dépréciation, cela renchérirait donc ses coûts de
0,21 fois 25%, soit 5.25%.
Trois possibilités/scénarios : la tannerie Gal exporte toute sa
production en Allemagne, avec un avantage de change de 21%. Dans ce contexte ses
prix à l’export, en « mark ou euro allemand », auront baissé de l’ordre de 15.5%. Tout va
bien pour la tannerie Gal
Deuxième possibilité : la moitié de sa production va en Allemagne,
l’autre moitié reste en France, ou dans un pays dont le taux de change n’a pas
changé vis-à-vis du « nouveau franc »
Vis-à-vis de l’Allemagne, les prix ont baissé de 15.5%, vis-à-vis de la
zone franc, les prix ont augmenté de 5.25%. Là encore, tout va bien pour la
Tannerie Gal, qui aura vu son chiffre d’affaires
augmenter de 5%
Troisième possibilité : le quart de sa production va en Allemagne,
un autre quart va dans une zone appréciée de 6% (valeur de l’euro actuel), la
dernière moitié reste en zone « franc nouveau »
Vis-à-vis de l’Allemagne, prix en baisse de 15.5%, vis-à-vis de la « zone
euro », prix en baisse de 1.5%, vis-à-vis de la zone franc, prix en hausse
de 5.25%. Dans l’ensemble, les prix
auront baissé de 3.25%. Là encore aucun problème.
Dans le cas extrême, en supposant que 50% - ce qui est énorme, vu ce
qui est indiqué sur le site de cette tannerie
qui ne « traite » pas que des peaux venues d’Allemagne, mais aussi
des « peaux françaises » - de ses achats viennent d’Allemagne, nous
pourrions faire des raisonnements analogues
Ses coûts auraient augmenté de 10,5%, et en reprenant nos trois
scénarios, dans le premier cas la tannerie Gal aurait des prix moyens (exprimés
en monnaie allemande) en baisse de 10.5%.
Dans le deuxième scénario les prix auraient baissé de 2.75%. Ce n’est que dans le troisième scénario que nous pourrions
avoir une très légère augmentation de prix.
Tous ces calculs, un peu fastidieux mais à la portée d’un élève de CM2 ancien régime (ou d’un bachelier
régime Najat Vallaud Belkacem) montrent une chose. Une dépréciation d’une
monnaie conduit dans la plupart des cas à une amélioration de la production et
à une baisse des prix vis-à-vis des nations dont la monnaie est appréciée.
Cela montre aussi, soit que Madame Gal est une très mauvaise chef d’entreprise,
soit une très grande menteuse (et une excellente comédienne)
Remarque complémentaire n°1 (rajoutée le 11/02 suite à un commentaire de A.J. Holbecq)
En prenant des chiffres officiels pour la production réellement exportée par la Tannerie Gal, qui tourne autour de 5% de son chiffre d'affaire, et en prenant une estimation réaliste pour les matériaux "nobles" importés d'Allemagne (peaux plus épaisses que les peaux de vaches françaises) de l'ordre de 15% (sachant que d'autres matières et d'autres coûts existent) nous arrivons à un surcoût en monnaie locale de 3%, pour une dépréciation de 21% vis à vis du Mark allemand (ou de l'euro germain). Pour l'export, c'est en fait une diminution de prix de 1%. Difficile de croire que la Tannerie Gal courre à la faillite de ce seul fait.
Remarque complémentaire n°2 (elle aussi rajoutée le 11/02) en guise de "morale de l'histoire"
Vu notre déficit commercial actuel 2,5% du à des importations de l'ordre de 25% du PIB et à des exportations de l'ordre de 22.5%, toute dépréciation de notre monnaie nationale ne peut qu'être bénéfique. Une dépréciation de 21% (le maximum de ce qui est envisagé vis à vis de l'Allemagne) peut entraîner une hausse (moyenne) de 5% pour les prix internes mais serait accompagnée d'une diminution moyenne des prix à l'export de 16%, d'où une augmentation des dites importations, et donc une diminution, voire une annulation de notre déficit commercial et une relance de l'activité. La baisse associée du chômage (produire français ET exporter davantage) donc aussi des charges ASSEDIC compenserait en grande partie les éventuelles augmentations des prix "domestiques".
Remarque complémentaire n°1 (rajoutée le 11/02 suite à un commentaire de A.J. Holbecq)
En prenant des chiffres officiels pour la production réellement exportée par la Tannerie Gal, qui tourne autour de 5% de son chiffre d'affaire, et en prenant une estimation réaliste pour les matériaux "nobles" importés d'Allemagne (peaux plus épaisses que les peaux de vaches françaises) de l'ordre de 15% (sachant que d'autres matières et d'autres coûts existent) nous arrivons à un surcoût en monnaie locale de 3%, pour une dépréciation de 21% vis à vis du Mark allemand (ou de l'euro germain). Pour l'export, c'est en fait une diminution de prix de 1%. Difficile de croire que la Tannerie Gal courre à la faillite de ce seul fait.
Remarque complémentaire n°2 (elle aussi rajoutée le 11/02) en guise de "morale de l'histoire"
Vu notre déficit commercial actuel 2,5% du à des importations de l'ordre de 25% du PIB et à des exportations de l'ordre de 22.5%, toute dépréciation de notre monnaie nationale ne peut qu'être bénéfique. Une dépréciation de 21% (le maximum de ce qui est envisagé vis à vis de l'Allemagne) peut entraîner une hausse (moyenne) de 5% pour les prix internes mais serait accompagnée d'une diminution moyenne des prix à l'export de 16%, d'où une augmentation des dites importations, et donc une diminution, voire une annulation de notre déficit commercial et une relance de l'activité. La baisse associée du chômage (produire français ET exporter davantage) donc aussi des charges ASSEDIC compenserait en grande partie les éventuelles augmentations des prix "domestiques".
En fait sur 5 mois de 2014 elle n'a fait que 5% à l'export
RépondreSupprimerhttp://www.societe.com/bilan/tannerie-gal-384976817201412311.html