Une monnaie nationale nouvelle appuyée sur une monnaie commune
Bruno
Lemaire, club Idées Nation
Un certain nombre de questions ayant surgi suite à la table
ronde de l’UDTFN (5 septembre 2015)à propos de l’euro, je
vais tenter d’y répondre brièvement.
Q. Quel serait le rôle de l’euro, si la France recréait une monnaie
nationale ?
L’euro ne serait plus une monnaie
unique, puisque si la France quittait l’euro, d’autres pays suivraient sans
doute, d’où l’intérêt aussi si possible d'une sortie coordonnée.
Q. Mais, c’est compliqué, pourquoi ne pas rester dans l’euro, en
changeant un peu son statut ?
Je vais répondre en 2 fois, tout d’abord
en rappelant pourquoi l’euro est un carcan insupportable pour la plupart des
nations de l’eurozone, puis en parlant du concept de monnaie commune, qui
jouerait en quelque sorte le rôle d’un euro amélioré, avec beaucoup moins d’inconvénients
que l’euro actuel.
Je montrerai aussi qu’il n’y a pas
de réelle difficulté technique à faire renaître une monnaie nationale.
Q. Vous dites que l’euro est un carcan. Certaines nations ne le voient
pas ainsi, pourtant !
En ce qui concerne l’euro, je ne vais vous parler ici que d’un point de vue
technique, même s’il y aurait beaucoup à dire au niveau politique, et sur les
arrière-pensées « européistes », mondialiste, et anti-nationales, qui
ont conduit à son instauration.
L’euro est
un outil qui n’a pas fonctionné, qui
n’a pas apporté tous les bienfaits annoncés, loin de là, au moins aux français
et à la majorité des européens. Un seul exemple suffira.
La France,
dont le commerce international était excédentaire jusqu’en 2002, s’est mis à
accumuler des déficits avoisinant en moyenne 50 milliards par an, alors que
l’Allemagne, dont le solde commercial était proche de zéro depuis 1986, a un
solde commercial qui dépasse maintenant 200 milliards. Ce n’est pas la seule
cause, mais le carcan de l’euro,
monnaie unique, y contribue.
Q. Pourquoi ? Pouvez-vous préciser ?
Prenons une
image. Fin 2001, une course de chevaux est lancée, avec 11 canassons – dont un,
le cheval grec, racheté de justesse. Ces onze destriers ont chacun un certain
handicap sur le dos, pour essayer de les faire galoper à la même vitesse. Il se
trouve cependant que ces handicaps – c’était la parité de leur monnaie
nationale vis-à-vis de l’euro - n’ont pas été correctement choisis, et que le
cheval le plus rapide, le cheval allemand, a vu ses concurrents perdre pied, ou
sabot, peu à peu.
Q. Qu’aurait-il fallu faire ?
La seule solution
aurait été de pénaliser le cheval allemand, c’est-à-dire d’augmenter son
handicap. En termes monétaires, il aurait fallu pour cela que l’euro allemand devienne
plus fort que l’euro moyen, et que l’euro grec, ou portugais, voire italien,
perde beaucoup de sa valeur vis-à-vis de l’euro moyen. Avec une monnaie unique,
cela ne peut se faire, avec une monnaie commune, c’est possible.
Q. Je ne comprends pas. Qu’est-ce que cela changerait ?
De fait, il
faudrait rebâtir une monnaie, ou un système monétaire, intermédiaire entre la monnaie de référence, qui reste encore le
dollar, et les diverses monnaies nationales, pour que chacun des chevaux,
pardon des pays européens, ait une chance de courir à armes égales. Le nom ‘savant’
de cette monnaie intermédiaire serait une « monnaie commune » - assez
voisine de l’ancien ECU -qui permettrait aux échanges internationaux de se
rééquilibrer peu à peu.
Q. Je croyais que l’Ecu n’avait pas marché, que c’était
pour cela qu’on l’avait remplacé.
En fait, l’ECU
n’a aps fonctionné pour 2 raisons, une raison politique – que nous n’aborderons
pas ici – et aussi une raison de méthode. Il était trop facile, ou pas assez
difficile, de spéculer contre lui.
Le système
monétaire, la monnaie commune que nous proposons, est assez nettement différent,
même s’il reste un intermédiaire important, voire indispensable.
Nous
souhaitons mettre en place entre les différentes monnaies un taux de change fixe,
mais ajustable ‘objectivement’, ce
qui permettrait d’éviter toute spéculation monétaire, tout en tenant compte de
la réalité économique des différents pays acceptant d’utiliser cette monnaie
commune.
Q. Ajustable, comment cela ?
Reprenons,
une dernière fois, notre image d’une course de chevaux. On peut décider que,
périodiquement, par exemple tous les ans, on dose les handicaps des chevaux en
fonction des victoires qu’ils auront remportées. Si le cheval allemand gagne
trop souvent, on augmente son handicap.
Q. Et sur le plan monétaire, cela donnerait quoi ?
Le cheval
allemand, pardon la nation allemande, verrait la parité de sa monnaie – l’euro
germanique – appréciée vis-à-vis de l’euro moyen – la monnaie commune, la
nation grecque, par exemple, verrait l’euro grec – le nouveau drachme – dévalué
par rapport à l’euro moyen.
Q. Hum, et
en quoi c’est différent du mécanisme ancien du système monétaire européen ?
C’est très
différent. Ce ne sont pas les marchés financiers qui décideraient de la valeur
de telle ou telle monnaie, mais la situation économique de chaque pays.
Q. Comment cela ?
Si l’Allemagne,
au bout d’un an, a un excédent commercial de 30 milliards vis-à-vis de la France,
ce qui correspond à peu près à 1% de son PIB, et à 1.5% du PIB de la France, on
pénalisera ‘objectivement’ l’Allemagne en utilisant les critères inscrits dans,
le règlement monétaire ayant établi le principe de monnaie commune. On
augmenterait par exemple de 0.4% la parité du mark allemand, et diminuerait de
0.6% la parité du franc français par rapport à l’euro commun.
Ce
rééquilibrage monétaire des échanges, à périodicité connue, et selon un
processus et des critères eux aussi connus, serait ainsi bien plus satisfaisant
que de bloquer la parité des monnaies arbitrairement, ou de laisser la
spéculation des marchés jouer.
Q. Je crois comprendre le mécanisme de cette monnaie
commune, et son principe de rééquilibrage périodique, mais pourquoi alors ne
pas l’avoir intégré dès le début à l’euro ?
Comme je
vous l’ai dit, la monnaie unique que représentait l’euro résultait essentiellement
d’une vision politique bien particulière, qui était déjà inscrite dans le
traité de Maastricht.
Cette vision,
éminemment fédéraliste même si elle ne le disait pas, aurait pu marcher, mais
dans des conditions très spéciales, et très contraignantes.
Q. A savoir ?
Une monnaie
unique ne peut fonctionner qu’avec des pays presque identiques.
De fait,
l’outil que représentait l’euro aurait pu fonctionner. Il aurait fallu pour
cela, non seulement que les parités initiales soient judicieusement choisies,
mais qu’il y ait aussi une convergence
des normes sociales, fiscales, et techniques dans les différents pays. En
d’autres termes, il aurait fallu que les
différents pays deviennent des clones les uns des autres, que la Grèce soit
un modèle réduit de l’Allemagne, que nos cousins italiens soient identiques aux
français. Pure utopie mondialiste,
digne de tous les experts « hors sol » qui veulent détruire la notion
même de notion et d’identité nationale.
La
renaissance d’une monnaie nationale est donc indispensable, si nous voulons
rester pleinement et authentiquement français.
Q. Mais n’est-il pas trop tard pour revenir en
arrière, même si nous voulons conserver notre identité nationale ?
Pas du tout. En fait il est très facile de faire renaître un euro
français, ou un franc patriote.
L’euro peut
être facilement amendé, et donner lieu à la renaissance de monnaies nationales,
l’euro français ou le franc nouveau pour la France, l’euro italien ou la lire
nouvelle pour l’Italie.
Q. Restons
sur le franc français nouveau, si vous voulez bien!
Vous avez
raison. Nos adversaires, les tenants du système actuel, disent urbi et orbi, en
particulier dans la presse économique et plus généralement dans tous les
médias, que la renaissance du franc serait techniquement très longue et
difficile, et politiquement impossible.
Pour la
politique, je laisserai s’exprimer Marine sur le sujet. D’un point de vue
technique, il n’y a rien de plus facile.
Q. Comment cela ?
Informatiquement, cela prendrait
quelques heures, sachant, de plus, que 93% des échanges sont de type électronique.
En ce qui concerne les billets ‘physiques’, fabriquer des tampons pour frapper les euros anciens
n’est pas trop difficile, en quelques jours ce serait fait (surtout si tout est
prêt !)
Q. Et si l’on veut réellement fabriquer de nouveaux billets, pas seulement
tamponnés ?
Pour les nouveaux billets de
« francs patriotes », ou euros français, la Banque de France peut
faire cela en quelques semaines. Pendant ce temps, les euros anciens
garderaient leur utilité, surtout s’ils sont « tamponnés ». Une
conversion à l’euro le franc nouveau ou le franc patriote ou l’euro français ne
pose donc aucun problème technique.
Q. Techniquement, je
veux bien qu’il n’y ait pas de véritable problème. Mais ne craignez-vous pas
une fuite des capitaux vers l’extérieur, comme en Grèce, à Chypre, ou ailleurs.
Mon intervention à l’UDT de quelques minutes avait pour but
essentiel de montrer que la sortie de l’euro était à la fois possible et
souhaitable.
Mais, vous avez raison, il faut aussi parler de ces questions
financières et économiques, qui ne sont pourtant pas si difficiles à régler.
Q. Pourquoi cela ?
Le fonctionnement des marchés, en fait, n’est pas très
différent du fonctionnement de l’esprit humain, qui n’aime pas les
incertitudes, même quand il s’efforce de mettre à profit d’éventuelles
opportunités. Il est donc important, voire essentiel, de réduire le plus
possible ces incertitudes.
C’est d’ailleurs en cela que les mécanismes d’ajustement
proposés pour l’instauration d’une monnaie unique peuvent réduire fortement l’incertitude,
et donc freiner, voire atténuer presque complètement la fuite éventuelle de
capitaux. Mais d’autres mesures sont possibles, en compléments.
Q. A savoir ?
Une mesure classique, qui serait temporaire, serait le
contrôle des capitaux, c’est à dire l’interdiction de sortie de France d’euros « anciens »,
tout en sachant que ces euros « anciens » auront encore droit de cité
pendant un certain temps en France, et que s’en séparer trop vite n’est pas
nécessairement une excellente idée.
Par ailleurs, la conversion d’un franc nouveau, pour une
parité de 1 franc nouveau pour 1 € , n’incitera pas forcément les possesseurs
de capitaux à rejeter les francs pour conserver des euros, surtout si la zone
euro se désagrège. Posséder des francs peut s’avérer au moins aussi rentable
que de s’en débarrasser.
Mais il y a un autre argument bien plus puissant encore que
le contrôle éventuel, voire probable, des capitaux.
Q. Lequel ?
Si la France retrouve sa souveraineté monétaire, c’est pour
retrouver une économie plus forte et plus compétitive, et en premier lieu avoir
un solde commercial équilibré, et non plus déficitaire. Pour les marchés financiers
et la haute finance, l’argent n’a pas d’odeur, ni de couleur politique. Si la France
va mieux, elle pourra rembourser plus facilement, les obligations souveraines
auront davantage de valeur, fuir le franc n’aura plus vraiment d’intérêt.
Il en va des marchés financiers comme il en va dans la vie
économique plus concrète. Des clients en bonne santé sont plus intéressants à
moyen terme que des clients en liquidation. Si la France se redresse
économiquement, même nos créanciers s’en satisferont, non ?
Là encore, c’est du simple bon sens.
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