Planche_A_Billets

Planche à billets : intox, fantasme ou réalité ?

Q. On dit que le programme économique de Marine Le Pen consiste essentiellement à faire fonctionner la planche à billets. Est-ce vrai ?

C’est en tout cas un ‘slogan’ – un « élément de langage » – qui revient comme une ritournelle à partir des bancs de l’UMP et du PS, voire du MEDEF.

Q. Mais est-ce vrai ?

Actuellement, 93 % de l’argent utilisé dans nos différents achats de biens ou de services, ou pour payer nos différentes contributions sociales et taxes, est de l’argent scriptural, sans aucun support papier.

Q. Ce qui veut dire ?

Cela signifie que l’essentiel de cet argent ne provient pas de la « planche à billets », mais a été émis par les banques commerciales, BNP, Crédit Agricole ou autre.

Q. Mais pourquoi parle t-on encore de planche à billets ?


Nos billets, de 5 euros à 500 euros, sont effectivement fabriqués par les banques centrales, mais ne représentent, nous l’avons vu, qu’une partie minime de l’argent réellement utilisé. Au lieu de parler des euros ou des billets « banque centrale », on ferait donc mieux, en priorité, de parler d’euros BNP, d’euros Société Générale, d’euros DeutscheBank ou d’euros Banesto.

Q. Et quel lien y a-t-il entre les euros ‘bancaires’ et les euros ‘billets’ ?

Au lieu de respecter un équilibre entre les euros ‘bancaires’ et les euros émis par les autorités bancaires nationales ou européennes, on a vu au cours du temps un pouvoir de plus en plus grand obtenu et exercé par les banques commerciales européennes. Au lieu d’avoir une politique monétaire centrale qui s’impose à tous, la réelle puissance monétaire, celle de « battre monnaie » est passée peu à peu – en France depuis 1973 – entre les mains des banques privées nationales ou européennes, dérive qui s’est d’ailleurs accompagnée d’un pouvoir lui aussi de plus en plus important des marchés financiers.

Q. Vous dites que les banques « battent monnaie ». Je croyais que c’était le rôle des banques centrales, et donc de la BCE, la Banque Centrale Européenne ?

En fait, la BCE, en dépit des rodomontades de son Directeur Général, a eu une politique de plus en plus suiveuse. Les banques dites de dépôts, au lieu d’émettre de la nouvelle monnaie, du nouvel argent, en fonction des seuls objectifs et nécessités économiques, ont pris des positions de plus en plus spéculatives. Ce ne sont plus les crédits à l’économie, les financements des projets d’investissement ou les aides ponctuelles aux PME et à l’artisanat qui les intéressaient, mais bien la ‘pure’ spéculation, si l’on peut qualifier de ‘pur’ ce genre de pratiques.

Q. Vous êtes sûr de cela. ? Cela paraît un peu gros quand même ?

Entre 2001 et 2009, la masse monétaire (monnaie ‘bancaire’ plus billets) a cru de 8 %, alors que le taux de croissance de l’économie a été proche de 2 %, avec une inflation de 2 %. Si la masse monétaire est censée accompagner l’économie, où sont passés les 4 % manquants ?

Q. C’est à vous de me le dire, non ?

J’imagine que l’argent non injecté dans l’économie réelle, celle des entreprises et des ménages, a du nourrir pour partie les spéculations boursières et immobilières, mais l’opacité des banques, et leurs opérations « hors-bilan » rendent difficile d’être beaucoup plus précis sur ce sujet.

Q. Et pourquoi la BCE ne s’y est-elle pas opposée ? Elle aurait pu cesser toute émission de nouveaux billets ?

La BCE n’a fait que suivre. Elle s’est contentée de gérer les taux d’intérêt pour que l’inflation reste voisine de 2 %. Le reste ne semblait pas la concerner. D’ailleurs la proportion de billets émis a plutôt diminué vis-à-vis des monnaies ‘bancaires’.

Ce n’est que depuis 6 mois que la BCE injecte de la monnaie ‘centrale’, du ‘vrai’ euro – en bafouant d’ailleurs les traités européens. Cette injection de monnaie centrale – destinée à rassurer les marchés (et les agences de notation, qui n’avaient absolument pas vu venir la crise dite des ‘subprimes’ en 2007-2008), et à tenter de ‘sauver les banques’, n’a absolument pas amélioré, bien au contraire, la situation économique de la zone euro. Notons enfin que la BCE n’a pas non plus eu besoin d’avoir recours à la « planche à billets », puisque l’essentiel de ces injections monétaires ne sont que des jeux d’écriture.

Q. Si je comprends bien, ce n’est pas une utilisation intempestive de la planche à billets qui serait responsable de la situation actuelle. Mais que faudrait-il faire, d’après vous ?

C’est une simple question de vases communicants. Pour une quantité donnée d’argent, disons 1500 milliards d’euros, que cet argent soit réparti en 100 milliards d’euros en billets, et 1400 milliards d’euros en écritures comptables privées, ou 100 milliards de billets, et 1400 milliards d’euros en écritures comptables publiques ne change strictement rien. Il n’y a ni création monétaire – potentiellement inflationniste – ni diminution monétaire – potentiellement déflationniste.
Ce n’est qu’ainsi que l’on peut retirer aux banques de ‘dépôts’ – très mal nommées – le pouvoir qu’elles se sont octroyées, à l’insu du grand public, celui de créer des euros en prêtant à d’autres clients, (dont des spéculateurs), les encaisses (revenus du travail) qui lui furent confiées en garde dans leurs coffres : du pur Madoff, en fait. Mais si Madoff est en prison, au ‘trou’, c’est sur le contribuable français que l’on compte pour combler les trous financiers.

Q. En fait, vous voulez nationaliser la monnaie , ‘déprivatiser’ son émission, sa création ?

On peut dire cela, effectivement. D’ailleurs, si l’on veut garantir l’épargne et les dépôts de nos concitoyens, mettre tous ces dépôts dans les caisses – c’est-à-dire dans les livres de compte – de la banque centrale, donc de la Banque de France dans notre cas – semble nettement plus sûr que de les conserver à la BNP ou à la société Générale. Je ne pense pas que nos concitoyens verraient cela d’un mauvais œil.
C’est un peu comme si chacun de nos concitoyens transférait la totalité de ses comptes à vue à la Banque de France. Les banques d’affaires, ou de financements, seraient, elles, complètement dissociées de ces banques de dépôts, (re-)devenues banques de stockage, de simples auxiliaires ‘comptables’ de la puissance monétaire publique.

Q. Effectivement. Mais peut-on faire cela, avec la menace qui pèse sur nos têtes, celle de la ‘dégradation’ de nos dettes publiques ?

Je crois que cela ne dépend que d’une volonté politique suffisamment affirmée. Les ‘marchés’ ont-ils le pouvoir d’empêcher que la Banque de France exige que les dépôts de nos concitoyens soient ‘rangés’, au moins par un jeu d’écriture, dans ses ‘coffres’ ? Cela peut se discuter.

Q. Mais les traités européens le permettent-ils ?

Apparemment, de plus en plus de ‘personnalités’ veulent changer ces traités, afin de permettre un plus grand assujettissement de la France à une tutelle supra-nationale. Pourquoi serait-il interdit de modifier ces traités pour recouvrer, au contraire, plus d’indépendance, surtout quand cette indépendance va dans le sens d’une amélioration de la situation économique et sociale de nos concitoyens ?

Commentaires

  1. Bonjour,

    vous dites :

    " le pouvoir qu’elles se sont octroyées, à l’insu du grand public, celui de créer des euros en prêtant à d’autres clients, (dont des spéculateurs), les encaisses (revenus du travail) qui lui furent confiées en garde dans leurs coffres "

    pourtant, vous affirmez ailleurs, il me semble, que les prêts sont créés par un simple jeu d'écriture, et non pas sur la base des dépôts des autres clients...

    merci

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